En réponse à l’invitation de Valérie Boucher, et comme point de départ de la nouvelle collaboration entre ArtContest et la CENTRALE for contemporary art qui débutera en 2019, j’ai proposé deux artistes pour la vitrine Rivoli du 20 avril au 15 juillet 2018. Il s’agit de Léa Mayer et Florian Kiniques qui participent actuellement […]

 

En réponse à l’invitation de Valérie Boucher, et comme point de départ de la nouvelle collaboration entre ArtContest et la CENTRALE for contemporary art qui débutera en 2019, j’ai proposé deux artistes pour la vitrine Rivoli du 20 avril au 15 juillet 2018.

Il s’agit de Léa Mayer et Florian Kiniques qui participent actuellement et jusqu’au 27 mai, à l’exposition Private choices,consacrée à 11 collectionneurs bruxellois d’art contemporain à la CENTRALE. Ce choix permet de souligner le lien privilégié entre collectionneurs et jeunes artistes.  Les trois collectionneurs qui les présentent dans l’espace qui leur est consacré à la CENTRALE s’engagent souvent pour la création émergente : Nicole et Olivier G. (Léa Mayer) et Christophe Veys (Florian Kinniques).

Mayer et Kiniques exposent chacun deux oeuvres dans la vitrine Artcontest, qui créent un ensemble s’articulant autour du visible et de l’invisible, de l’équilibre et du déséquilibre, des notions qui acquièrent une signification particulière dans une vitrine : visible mais inaccessible.

L’installation des Quatre cale-portes et trois sculptures, 2017 et le dessin à l’aquarelle de peaux de bananes Variations autour du thème de la peau de banane, 2015 de Léa Mayer sont emblématiques de sa démarche qui s’élabore autour des notions de perception, de connaissance et d’imagination. A partir d’un questionnement autour de l’influence de notre éducation, de notre histoire sur notre compréhension d’un objet, d’une oeuvre d’art, d’un discours, d’un paysage, de l’espace et du temps, elle articule une démarche très singulière et personnelle.  Ala différence de l’art conceptuel, qui tend à substituer le signe linguistique à l’objet esthétique, Mayer préconise une approche à la fois sensuelle et cognitive du dessin et de l’installation.­­Sa démarche est liée à un savoir-faire et à un souci du détail qui découlent de longs temps d’observations, sous-tendus par une volonté de révéler l’objet autrement qu’à travers sa représentation iconique. Autant dans l’oeuvre composée de cale-portes que dans le dessin comportant huits peaux de bananes, elle cherche à outrepasser l’évidence du message pour atteindre un langage plus proche de la poésie qui laisse la place à l’interprétation du spectateur.[1]

L’indiscible et le suggéré forment le lien avec le travail de Florian Kiniques qui ne s’attache pas tant à la représentation et à l’exposition d’un objet mais plutôt aux rencontres et aux liens que ses expériences créent avec le spectateur. Les deux oeuvres exposées : Sa(Poème visuel mobile), 2018, et Sans titre, 2016 se composent de deux cadres au fond noir et de mots dactylographiés et découpés se retrouvant entassé dans un coin du cadre. La première pièce, qui s’inscrit dans une série d’oeuvres réalisées autour de l’expression “Tourner sept fois salangue dans sa bouche…” peut – en principe – être mobile grâce à la main de celui qui la tourne. A l’arrêt, elle peut se présenter à l’horizontale, à la verticale, ou comme c’est le cas dans la vitrine, désaxée…Elle est présentée à l’arrêt, “calée”, comme un clin d’oeil à l’oeuvre composée de cales-portes de Léa Mayer qui quittent leur fonction initiale.

Comme l’explique Florian Kiniques, le mystère de ces deux oeuvres se situe dans la notion de « montrer en cachant » ou de « montrer en dévoilant », particulièrement pertinente dans une vitrine dévoilant des oeuvres qui restent partiellement invisibles. Car les mots découpés et intégrés dans le cadre fermé ne sont jamais tous lisibles. Ces mots forment-ils une phrase? Quelles significations cachent ou contiennent-ils?  Telle une métaphore de l’écriture automatique, tout s’articule, chez Florian Kiniques, à la frontière du dévoilement et de la dérobade, du controllable et de l’improvisation. [2]

Dans cette installation commune, la question n’est pas de l’ordre de la représentation, mais bien du détournement et de la suggestion.

 

Carine Fol

Directrice artistique CENTRALE for contemporary art

[1]S.Tiberghien, in L’art Même n°60, 2014
[2]Benoit Dusart, http://www.lartmeme.cfwb.be/no069/documents/AM69.pdf